Fosyfa IESCO Centre de formation des professionnels de l’aide et du conseil à l’approche systémique

Logo Sémaphore la revue de Forsyfa

SouffranceS au travail (Extrait)

Sémaphore 3
22/05/2019
Les risques de mal-être au travail désignés depuis la fin des années 90 par « risques psychosociaux », occupent une place grandissante dans les enjeux institutionnels. Leur abord peut se limiter à la recherche des sources de danger ....

Sémaphore 3 rectangle

SouffranceS au travail

Approche systémique des risques psychosociaux

Extrait de la revue Sémaphore de juin 2019

 

Les risques de mal-être au travail désignés depuis la fin des années 90 par « risques psychosociaux », occupent une place grandissante dans les enjeux institutionnels.
Leur abord peut se limiter à la recherche des sources de danger pour la santé et à la prévention. Cependant l’expérience montre qu’ils ne résultent pas de facteurs uniquement liés aux conditions de travail mais de la mise en relation de paramètres caractérisant les enjeux à l’intérieur de l’organisation de l’institution dans sa globalité.

Cet article propose une lecture globale et complexe des contextes relationnels au sein desquels le mal-être au travail occupe une fonction particulière.
 

 

Auteurs :

Béatrice BOUSSARD
Directrice, intervenante systémique, formatrice et superviseure à FORSYFA (NANTES), thérapeute familiale et conjugale à Côté Famille - Nantes

 

« Rien, Lucilius, ne nous appartient ; seul le temps est à nous. Ce bien fugitif et glissant est l’unique possession que nous ait départie la Nature ; et peut nous en chasser qui veut. Telle est la folie des humains qu’ils se sentent redevables du moindre cadeau peu coûteux qu’on leur fait, cadeau remplaçable en tout cas, mais que personne ne s’estime redevable du temps qu’il a reçu en partage, alors que le plus reconnaissant des hommes ne pourrait le rendre. » SENEQUE


Cet article est dédié à tous ceux qui m’ont accordé de leur temps.

UN DÉTOUR PEUT-ÊTRE SURPRENANT…

Quand je pense à la fonction du travail dans mon histoire m’apparaissent deux figures : celle de mon père et celle de mon grand-père maternel. Ils se vouaient un mépris réciproque paradoxalement fait d’un grand respect. Je ne m’attarderai pas sur le mépris mais sur le respect car la place du travail y contribuait. En effet, ils partageaient un certain nombre de points communs que j’ai laissé s’inscrire avec le temps dans mon héritage.

Tous deux exerçaient un métier en lien avec la culture de la terre. Mon grand-père était agriculteur et mon père « négociant en produits du sol et dérivés ». Qui dit culture de la terre dit adaptation aux saisons, aux phénomènes imprévisibles comme les intempéries. Le temps n’existe pas car il y a à prendre en considération le temps ! Donc pas de début ni de fin de journée pré-programmés ; pas de weekend de repos. C’est la météo et ses conséquences sur la culture qui programment l’activité. Ainsi mon père prenait son camion-citerne à 6 heures un dimanche matin pour livrer du fuel à un agriculteur qui avait décidé de moissonner son champ de céréales car le climat le permettait. Ensuite, le magasin restait ouvert toute la journée pour accueillir le même agriculteur qui apportait ses céréales pour que mon père puisse les vendre. L’activité du commerce nécessitait une certaine flexibilité pour s’adapter aux besoins du client. Et c’est cette flexibilité que mon père valorisait pour expliquer le développement et la réussite de son activité.

Dans notre famille, il est conseillé de travailler quand le travail se présente pour anticiper sur les périodes où le travail n’est pas au rendez-vous. Le travail n’est donc pas une activité stable et régulière dans mon système d’appartenance. Avant de poursuivre, vous pouvez observer que l’évocation du travail dans mon histoire m’amène à penser à deux hommes. En effet, dans l’environnement social et familial où j’ai grandi le travail des femmes à la maison était vraiment invisible aux yeux des hommes et des femmes, qui elles-mêmes le déconsidéraient. Avoir un travail dans notre famille, c’est exercer une activité rémunérée. Ma mère nous demandait indirectement à ma soeur et moi-même d’exercer un travail pour être indépendante financièrement. Le travail permettait de se dégager de la dépendance.
Pour mon père et mon grand-père, l’argent permettait aussi d’être libres c’est-à-dire de faire ses propres choix et de les assumer. Devenir riche n’a jamais été évoqué comme un but en soi. La question de l’argent doit se faire oublier pour faire des choix. Faire un choix en fonction de l’argent à gagner ou à perdre n’est pas un choix dans ma famille. Par exemple, il était important de devenir propriétaire et de ne dépendre de personne pour se nourrir, se loger. Mon grand-père a très rapidement acheté une ferme ; mon père un corps de ferme pour installer son activité de stockeur de pommes puis de céréales. Nous avons vécu, comme la famille de ma mère, pendant quelques années sur la terre battue, sans salle de bains. Ma mère a eu une machine à laver quand j’avais 3 ans… Le peu d’argent amassé était investi pour se dégager d’une quelconque dépendance (logement, matériel) quel que soit le prix à payer pour la famille. Ces deux hommes n’ont quasiment jamais vécu la dépendance à un employeur.

 

 

Envie de lire la suite de cet article ?

 Commander la revue imprimée